Les rapports entre partis
politiques peuvent prendre toutes sortes de configurations et on remarque
parfois de la confusion, ces temps-ci, lorsqu’on discute des relations
possibles entre Québec solidaire et le Parti québécois. Voici quelques
définitions et certaines hypothèses sur les résultats des propositions en
discussion.
fusion
Tout le monde semble s’entendre
sur le fait qu’on n’envisage pas unir le PQ et QS pour n’en faire qu’un seul
parti. Tant les porte-parole du PQ que de QS sont clairs sur cette question.
Par contre, pour ce qui est d’Option nationale, plusieurs à QS (dont la recrue
dont on parle beaucoup ces temps-ci) sont intervenus en faveur d’une fusion, et
la direction d’ON est ouverte à en discuter, tout en posant ses conditions pour
une réussite. Ces discussions pourraient être complexes et difficiles pour les
deux partis. Mais la possibilité est bien réelle. C’est une orientation que l’auteur
de ces lignes a défendue l’automne dernier.[i]
coalition
gouvernementale
Peu de gens envisagent une
coalition entre QS et le PQ en vue de l’exercice du pouvoir, avec des ministres
solidaires dans un gouvernement Lisée, par exemple. Un certain courant
politique indépendantiste que j’ai qualifié de métapéquiste envisageait ce type
de scénario. À notre connaissance, il
n’y a pas de courant significatif dans QS pour une telle éventualité. Il
faudrait développer un programme commun substantiel, ce qui est loin d’être
évident quand on compare la Proposition principale soumise par la direction du
PQ en vue de leur congrès de l’automne et le programme de QS. Sur la plupart
des sujets, Québec solidaire propose un virage significatif, voir une rupture
avec les politiques des 30 dernières années, tandis que le PQ se propose d’étudier
diverses questions et d’infléchir légèrement les orientations gouvernementales vers
le centre.[ii]
Si un gouvernement péquiste
minoritaire avait besoin du contingent de député-e-s QS pour se maintenir au
pouvoir, nous croyons qu’il est préférable d’être en position de négocier notre
appui un vote de confiance à la fois et de décider comment traiter les projets
de lois gouvernementaux au cas par cas, même article par article. Participer au
gouvernement nous mettrait dans une position trop fertile en compromissions.
Mais la possibilité d’un
gouvernement péquiste minoritaire avec une balance du pouvoir entre les mains
de QS est pour le moins distante. En effet, il ne faut pas oublier le quatrième
joueur dans l’équation : la CAQ. Celle-ci dispose d’une dizaine de
bastions à peu près imprenables, ce qui permettrait à Jean-François Lisée,
devenu premier ministre, de faire tantôt alliance avec QS et tantôt avec la
CAQ, selon la nature des projets de loi ou les aléas de la conjoncture. Ce qui
serait une très mauvaise nouvelle pour les Québécoises et Québécois de
confession musulmane et les membres d’autres minorités racisées qui seraient
ciblées, directement ou indirectement, par une Charte 2.0.
La seule question sur laquelle le
PQ, QS et la CAQ s’entendent est la réforme du mode de scrutin. Pour certains,
il semble que ce point de convergence soit suffisant pour justifier une
alliance électorale.[iii]
Mais est-ce que le fait de gagner un avantage tactique pour QS face aux autres
partis est une justification suffisante pour que nous soyons complices d’une
régression sur le plan des droits humains pour des dizaines de milliers de nos
concitoyennes et concitoyens ?
coalition
électorale globale
Des militants indépendantistes,
notamment Denis Monière (membre de la direction de ON) avaient suggéré que le
PQ, QS et ON se partagent l’ensemble des 125 circonscriptions. La mécanique
pour ce faire aurait pu passer par une série de primaires pour les
investitures, ce qui aurait avantagé le PQ avec son nombre de membres
sensiblement plus élevé (pour combien de temps?) et sa présence
organisationnelle plus systématique à travers le territoire. Une autre formule
aurait pu être de répartir le territoire en fonction des résultats aux
élections précédentes ou de la moyenne des sondages sur une certaine période de
temps.
Mais la victoire de Lisée et le
report de toute consultation sur l’indépendance à après l’élection de 2022 est
venue mettre une douche froide sur cette notion. Sans compter le fait qu’elle
n’est pas en phase avec le mode actuel de financement des partis politiques,
basé en grande partie sur le pourcentage de votes obtenus à l’échelle
nationale. Renoncer à 80 candidatures pour QS ou même à 20 pour le PQ
signifierait une perte financière significative.
On rappellera que l’UFP avait
conclu une entente de ce type avec le Parti vert en 2003, mais que son
application n’avait pas été une réussite complète, notamment en raison de
l’autonomie des associations locales dans les deux partis.
Des
désistements ciblés
Ce qui reste devant nous est la
possibilité que QS et le PQ (peut-être aussi ON) se désistent de certaines
circonscriptions en vue de favoriser la défaite de Libéraux et/ou de Caquistes.
Ici aussi, un des enjeux complexes à résoudre serait la proportion des
désistements selon les partis. On ne peut pas s’attendre à ce que le PQ
abandonne autant de circonscriptions que QS. Mais est-ce que la proportion
devrait être en fonction des sondages depuis 2014? (3 pou 1) Ou encore en
fonction des résultats des élections de 2012? (plutôt 4 pou 1).
Puis, bien entendu, le choix des
circonscriptions spécifiques pourrait être un casse-tête majeur. Combien de
circonscriptions gagnables pour QS est-ce que le PQ serait disposé à laisser
tomber? On ne devrait pas compter celles que nous allons remporter de toute
façon, comme dans le cas loufoque du désistement dans Gouin pour la partielle!
Et dans combien de comptés pensons-nous que le retrait de QS pourrait
contribuer à une victoire péquiste contre le PLQ ou la CAQ? Il n’y en pas des
tonnes. Surtout si on considère que les votes n’appartiennent pas aux partis et
que les gens ne suivraient pas forcément le mot d’ordre venu d’en haut.
Si on se fie aux résultats des
élections de 2014, on observe que dans 53 circonscriptions, les Libéraux ont
obtenu des majorités considérables. On peut présumer que le PQ, après quatre ans
de gouvernement libéral, devrait conserver les 30 comtés gagnés il y a trois
ans, à l’exception de Hochelaga-Maisonneuve qui est à portée de main pour
Québec solidaire. La CAQ, de son côté, semble solidement installée sur une
dizaine de sièges, et les trois victoires de QS sont probablement irréversibles.
Il ne reste donc que 29 circonscriptions où l’élection de 2018 devrait se
jouer.
Des celles-ci, une quinzaine ont
été remportées par les Libéraux et une douzaine par la CAQ. Dans plusieurs cas,
les marges de victoire de la CAQ ont été très minces face au PQ ou dans une
course à trois avec les Libéraux. Il se pourrait que le désistement de QS dans
ces circonscriptions provoque des défaites pour la CAQ au dépend du PQ. Mais les marges de la CAQ sont si minces que le PQ pense probablement pouvoir l'emporter sans notre aide. Dans la
plupart des circonscriptions libérales, même une alliance PQ-QS ferait face à
un défi de taille.
Si, comme le mentionne Stéphane
Lessard, en faisant référence à un sondage « 75% des électeurs-trices
solidaires étaient prêt-e-s à voter pour un-e candidat-e unique issu-e des
rangs de QS ou du PQ. Du côté péquiste, ce sont 80% des électeurs-trices qui
feraient de même », alors il serait possible pour l’alliance PQ-QS de battre
une douzaine de caquistes et quelques libéraux. Mais est-ce que nous sommes
disposés à assumer les conséquences de ces victoires, surtout quand on examine
le portrait d’ensemble qui en résulterait ?
Des
pactes avec qui et pour faire quoi ?
Comment décider s’il vaut la
peine de discuter avec le PQ pour arriver à nous entendre sur ce type d’échange
de bons procédés ? Que dirons-nous aux électeurs et aux électrices
privé-e-s de la possibilité de voter QS par une telle entente ? Comment convaincre
les associations locales concernées de respecter l’entente négociée au niveau
national ? Si la perspective indépendantiste est vraiment une condition de
toute alliance de la part de QS, comme l’affirme la résolution adoptée au
dernier conseil national, alors pourquoi discutons-nous encore de la
possibilité d’une entente quelconque avec le PQ de Lisée ?
D’abord, il faut être disposé à
assumer les conséquences politiques et les implications morales d’un succès.
Québec solidaire pourrait contribuer à l’élection d’un gouvernement péquiste.
Est-ce qu’un tel gouvernement serait suffisamment « moins pire » que
celui des Libéraux de Couillard pour justifier un tel pacte? Si on se fie
uniquement à ce que la direction du parti propose de mettre dans son programme
(le congrès en décidera en octobre), peut-être. On y exprime une volonté d’améliorer
certaines politiques en comparaison avec le gouvernement actuel. Mais est-ce
qu’on peut juger un parti qui a gagné cinq élections générales depuis 1976 sur
la base de son seul programme ? Il faudrait aussi considérer sa pratique
gouvernementale, notamment celle qui a prévalu à l’époque de Bouchard, Landry
et Marois, et se demander si on peut se fier à ses engagements vaguement
progressistes.
Pire encore, comme nous le
mentionnions plus haut, nous pourrions contribuer à faire élire un gouvernement
péquiste minoritaire qui ferait ensuite une alliance avec la CAQ. Ce parti
pousserait le PQ vers la droite tant sur les enjeux socio-économiques que sur
les questions de droit de la personne et d’identité.
Il reste peut-être une seule
formule qui serait avantageuse pour QS, intéressante pour le PQ, et ne nous
placerait pas dans le rôle de la sage-femme pour l’accouchement d’un tandem
Lisée-Legault. Il s’agirait d’offrir au PQ de nous désister uniquement dans des
circonscriptions où la bataille s’annonce serrée entre lui et la CAQ. Ainsi,
pour chaque député péquiste supplémentaire que nous aurions contribué à faire
élire, la CAQ en aurait un de moins. En échange, QS obtiendrait des coudées
franches pour mener une lutte féroce contre certains libéraux et peut-être
l’abandon d’une ou deux circonscriptions présentement péquistes, mais que QS
aurait de bonnes chances d’arracher au PQ de toute façon (comme nous l’avons
fait pour nos trois premières victoires). Si le PQ l’emportait quand-même au
total, contre les Libéraux, ce serait par ses propres forces. Mais un scénario
aussi subtil stratégiquement est peut-être trop difficile à justifier auprès de
la base de chacun des deux partis. Il pourrait aussi donner des munitions à la
CAQ indirectement en lui permettant de se positionner contre les Libéraux alors
que le PQ et QS s’acharneraient bizarrement contre le 3e parti.
En fin de compte, le plus simple
reste toujours de présenter des candidatures partout et de laisser l’électorat
déterminer l’issue du scrutin et la composition de la prochaine assemblée
nationale. Ayons confiance au peuple. Il nous le rendra bien!
[iii]
Pour une illustration de ce point de vue, voir le billet de Stéphane Lessard sur
PTAG! http://www.pressegauche.org/spip.php?article30077
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