Le nouveau plan présenté en grandes pompes par le Président
Obama, le 3 août dernier, vise à réduire les émissions de GES générées par les
centrales électriques de 32% d’ici 2030 par rapport au niveau atteint en 2005.[i]
Ce secteur économique compte présentement pour 31% des émissions produites aux
les États-Unis.
Les objectifs formulés par l’administration sont peu
ambitieux, mal cachés qu’ils sont dans des lignes de communication vagues
(réductions de GES « sur l’ensemble de la durée du programme »,
plutôt que sur une base annuelle, multiplication du recours à l’éolien, mais à
partir d’un niveau négligeable aujourd’hui, etc.). Les énergies fossiles sont
loin d’être abandonnées dans cette vision pour 2030 qui ressemble étrangement
au statu quo. Nous avançons donc à grand pas, avec ce plan, vers un échec
patent pour la grande conférence des Nations Unies sur le climat qui se tiendra
à Paris cet automne.
Des objectifs
tristement modestes
Il s’agit du dernier volet d’un plan d’ensemble sur le
climat qui ne permettra pas (si on le combine aux autres annonces faites par
les principaux pays émetteurs) d’atteindre l’objectif de 2 degrés de
réchauffement identifié par les Nations Unies.[ii]
En fait, si les autres pays suivent l’exemple des États-Unis, on se dirige vers
une hausse de température de 3 à 4 degrés.[iii]
Sans oublier que cet objectif de 2 degrés est lui-même remis en question et
jugé insuffisant par des scientifiques de renom.[iv]
L’objectif de 32% de réduction par rapport à 2005 ne permet
même pas de rejoindre le niveau de 1990, le point de référence du protocole de
Kyoto. L’Union Européenne, où on émet déjà deux fois moins de CO2 per capita qu’aux
États-Unis, s’est donné comme objectif une réduction de 40% des émissions.[v]
Aussi, 17 États ont déjà atteint l’objectif prescrit par
l’Agence de protection de l’environnement (EPA).[vi]
Cette évolution a été encouragée par la récession de 2008, le faible coût du
gaz naturel (de schiste), ainsi que la surproduction de charbon causée par les
investissements massifs dans la période de croissance spectaculaire en Chine. De
plus, l’identification d’objectifs État par État signifie que ceux qui polluent
le plus vont pouvoir continuer à le faire indéfiniment, tandis que ceux qui ont
déjà accompli beaucoup se voient contraints de faire des efforts
supplémentaires. Encore une fois, la dynamique du système électoral l’emporte
sur la justice climatique élémentaire.
La politique
énergétique du n’importe quoi
Le plan du président, qui est déjà attaqué par les
Républicains et devrait être contesté en cour par l’industrie du charbon,
demande aux États d’atteindre des cibles très modestes qui correspondent à une
évolution déjà bien amorcée par les programmes existants encourageant la mise à
la retraite des plus vieilles et inefficaces centrales au charbon et leur
remplacement par des sources d’énergies moins relativement moins polluantes
comme le nucléaire ou le gaz naturel. Ces industries devraient en fait continuer
à croitre sous le nouveau plan. [vii]
L’essor de l’éolien et du solaire a déjà été encouragé par
les subventions du plan de relance économique de 2008 (90 milliard $ du « stimulus
package »). Des centrales au charbon émettant un total de 600 millions de
tonnes de CO2 ont déjà été fermées au cours des dix dernières années. Le plan
annoncé le 3 août ne conduira qu’à une réduction supplémentaire de 870 millions
de tonnes sur 15 ans, donc à un rythme légèrement inférieur.
L’abandon du charbon comme source d’énergie aux États-Unis sera
pour le moins partiel (toujours 27% de l’électricité produite en 2030). Pourtant,
80% des réserves mondiales de charbon doivent être laissées sous terre si on
veut donner une chance au climat.[viii]
La campagne du Sierra Club, visant à éliminer les centrales électriques au
charbon d’ici 2030 indique la voie à suivre.[ix]
Le déclin de la consommation de charbon aux États-Unis sera
par ailleurs largement compensé par des exportations vers des économies ou ce
type d’énergie est toujours en croissance. Il n’est pas question, comme
toujours, de s’attaque à la production des énergies fossiles, ce qui remettrait
en question la liberté d’entreprise et l’idéologie du libre-marché mondialisé.
Dans la vision de l’administration Obama et du Parti
démocrate, les énergies renouvelables (éolien, solaire…) sont vues comme
complémentaires aux énergies fossiles, non comme un remplacement.[x]
L’objectif du plan est d’arriver à 28% de la demande d’électricité pas des
énergies renouvelables.[xi]
Les autres 72% continuent à brûler des énergies fossiles ou à produire des
déchets radioactifs. L’économie d’énergie est vue comme une manière de réduire
la facture pour les consommateurs ou les coûts de production des industries (ce
qui encourage l’augmentation de la demande d’énergie) plutôt que comme une
transformation en profondeur du mode de vie et des méthodes de production.
Le mouvement écologiste, aux États-Unis et ailleurs, ne peut
se satisfaire d’une continuité de l’approche du parti Démocrate qui combine les
demi-mesures et les actions contre-productives avec de la belle rhétorique
depuis le début. Le fait est que la Cour suprême des États-Unis a reconnu le
CO2 comme un polluant en 2007. L’administration Obama aurait donc pu intervenir
dès le lendemain de son arrivée au pouvoir en janvier 2009 sur la
réglementation des émissions à partir des pouvoirs que lui confère la loi
adoptée sous Nixon pour protéger la qualité de l’air. Le travail des lobbyistes
du charbon, du gaz et du pétrole, l’hostilité rétrograde des Républicains et la
logique d’un système politique corrompu ont mené à une annonce qui promet bien
trop peu et beaucoup trop tard. Une alternative politique écosocialiste fondée
sur la mobilisation de masse s’impose plus que jamais.
[iii]
Nicolas Höhne du New Climate Institute, cité par l’AFP dans The Guardian le 4
août.
[v] On
se limite ici à comparer les objectifs. Le fait que les traités sur le climat
ne disposent pas de mécanismes sérieux de vérification et de sanctions pour les
pays qui n’atteignent pas leurs objectifs est une toute autre question. Les
injustices comprises dans la manière de mesurer les émissions en sont une
autre.
[vi]
Selon l’auteur écosocialiste Chris Williams. Texte non encore publié.
[viii]
Selon Richard Black, directeur du Energy and Climate Intelligence Unit, cité
par l’AFP dans The Guardian http://www.theguardian.com/environment/2015/aug/04/obama-clean-power-plan-welcomed-but-wont-avoid-dangerous-warming
[x] Williams, C. (2010). Ecology and
socialism: solutions to capitalist ecological crisis. Chicago, Il,
Haymarket Books.
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