Contribution aux débats à Québec solidaire: L’économie c’est de la politique. La politique, c’est de l’économie.
Québec solidaire tiendra un
important conseil national à la fin novembre à Trois-Rivières. À cette occasion,
les délégations de partout au Québec débattront des stratégies pouvant le mieux
assurer le développement futur du parti. Un des enjeux soulevés par les
documents du Comité de coordination national est la mauvaise « perception »
dont souffrirait le parti sur le plan de la « crédibilité économique ».
Mais la question qu’il faudrait d’abord se poser est celle des raisons de cette
perception. En bref, nous ne cadrons pas avec la pensée économique dominante. Nous
devrions en être fier et développer des moyens de rallier une partie toujours
plus grande de la population à cette vision dissidente de la prospérité.
Nous avons toujours soumis des
cadres financiers équilibrés résultant d’un travail rigoureux. Nos propositions
fiscales et économiques sont les mêmes que celles de bien des organisations bien
établies au Québec, dont les syndicats, certains regroupements étudiants et
bien des groupes communautaires. La campagne autour de la manifestation du 31
octobre en est un bon exemple.[i] Les
travaux de l’IRIS valent bien ceux des économistes du courant dominant, soit
celui de la théorie économique néoclassique, du néolibéralisme et de l’austérité.
Ce n’est pas le sérieux de nos
propositions qui est remis en cause par les médias et nos adversaires
(affectant notre perception dans la population) mais le contenu social et
politique de nos propositions. Il est vrai que nous pourrions être plus
concrets dans l’application de nos orientations économiques à l’échelle
régionale. D’autres améliorations sont envisageables dans notre plan pour
sortir du pétrole, par exemple. Mais l’idée selon laquelle QS n’est pas « crédible »
sur ce terrain sera toujours présente parce que diffusée constamment par le
camp adverse qui demeure hégémonique. Le NPD, qui existe depuis plus de 50 ans
et a assumé le gouvernement de la moitié des provinces est encore attaqué de
cette manière, et ce, malgré son engagement ferme en faveur du capitalisme en
général et des budgets équilibrés en particulier.
Le fond du problème est que
Québec solidaire n’est pas un parti du 1%. Sans être explicitement
anticapitalistes et encore moins socialistes, nous nous démarquons par notre
critique de la recherche du profit maximum, immédiat et à tout prix (pour
l’environnement, la société, la démocratie…). Seul un appui inconditionnel pour
le capitalisme, et un engagement à respecter le consensus économique qui s’est
imposé depuis les années 1980 pourrait peut-être nous gagner ce genre de « crédibilité »,
mais ce serait au prix de l’abandon de nos principes et des secteurs de la
population que nous voulons défendre contre les attaques des riches et des
patrons.
Notre stratégie devrait plutôt être
basée la diffusion d’une critique clairement articulée des fondements de la
pensée économique dominante. Nous voulons une économie fondée sur la
coopération en vue de satisfaire les besoins de tous et toutes à long terme.
L’économie, c’est le travail que chacun et chacune accomplit au bénéfice de la
société dans son ensemble. Il n’y a pas de secteur « productif » et
de secteur « non productif » dans l’économie. Tout travail
socialement utile crée de la richesse.
Le vrai réalisme fiscal
Un autre aspect essentiel de
notre stratégie doit être notre réponse au populisme fiscal que partagent les
trois autres partis à l’AN et qui est la caractéristique centrale de la CAQ. Les
personnes qui gagnent assez pour payer de l’impôt sur le revenu mais pas assez
pour mettre leur fortune dans des paradis fiscaux sont la clientèle naturelle
de la CAQ. Ça fait beaucoup de monde!
Un des documents produits pour la
dernière campagne électorale indiquait comment certaines de nos politiques
pourraient entraîner des réductions dans le coût des services publics. C’est
bien beau, mais nos propositions ne pourront jamais rivaliser, sur ce plan,
avec une orientation qui consiste à réduire les services de manière
significative, sans égard pour les conséquences sociales et l’accroissement des
inégalités. Sur ce plan, le rôle de Québec solidaire devrait être de dire ce
que les gens ne veulent pas forcément entendre, comme : « On ne peut
pas faire plus avec moins. » ou « Pour avoir de bons services
publics, il faut payer des impôts. ».
Comptons sur le fait qu’à moyen
et long terme, les gens se souviendrons de qui leur a dit la vérité et qui leur
a promis tout et son contraire pour gagner des votes.
Environnement et démocratie
La critique du modèle
extractiviste doit aussi aller plus loin que sa dimension environnementale et inclure
la manière dont il structure les communautés, son impact sur les rapports de
pouvoir, sur les relations avec les Premières Nations, etc. Nous sommes contre
les énergies fossiles et le nucléaire parce que qu’elles placent des millions
de personnes en situation de dépendance envers des sources d’énergie contrôlées
par des institutions (publiques ou privées) échappant à tout contrôle
démocratique. L’économie est indissociable de la politique sur ce terrain.
Sur le plan environnemental, nous
devons aussi critiquer systématiquement le protectionnisme du carbone :
l’idée que le pétrole d’ici (ou de l’Alberta) est meilleur que le pétrole
d’ailleurs. Notre critère n’est pas : « Est-ce qu’il y a de l’argent
à faire? », mais plutôt « Que devons-nous faire pour l’avenir de la
planète? ». Il faut aussi développer une critique des fausses solutions
mises de l’avant par le capitalisme vert, comme les bourses du carbone. En
liant le droit de polluer à un marché, on ne fait que consolider la situation
qui permet aux riches de détruire l’environnement de tout le monde et se payer
toutes les « adaptations » nécessaires face aux conséquences.
Contrairement à ce que mentionne le
document sur la conjoncture, ce n’est pas « la collusion/proximité entre
des lobbyistes et un gouvernement complaisant et complice » qui explique l’adhésion
du gouvernement actuel (et du précédent) à l’extractivisme. C’est la logique d’un
système économique fondé sur la recherche du profit maximum à court terme et l’accumulation
sans fin de capital dans un système de compétition global. Tant les grandes
entreprises minières, gazières ou pétrolières que les gouvernements libéraux ou
péquistes ne sont que des instruments au service de ce système. Nous sommes le
sable dans l’engrenage, les saboteurs de la machine infernale - pas une équipe
de mécaniciennes et de mécaniciens qui veulent faire fonctionner la machine le
plus longtemps possible.
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