Les gens qui ont fait campagne pour le vote
« stratégique » ont tendance à présumer que si Québec solidaire ou
Option nationale n’étaient pas dans la course, leus votes se transféreraient
massivement vers le PQ, par défaut. Cette supposition n’a été démontrée par
personne à ma connaissance. Ma propre expérience me dit qu’il y a bien du monde
qui choisirait d’annuler ou de rester à la maison.
Ceci étant dit, la notion que QS, et dans une moindre mesure
ON, aurait couté au PQ la majorité tant convoitée est une insulte pour le Parti
québécois et ses capacités à mobiliser sa propre base, à convaincre les gens
d’aller voter, ou à arracher des votes à ses adversaires du PLQ et de la
CAQ.
Lors de l’élection du 4 septembre 2012, il y a dix
circonscriptions dans lesquelles la candidature du PQ est arrivée à moins de 5%
de celle qui l’a finalement emporté. Si le PQ avait gagné ces 10 sièges, il
disposerait d’une majorité solide de 64 député-e-s. Sept de ces comtés sont allés aux Libéraux,
trois à la CAQ. À noter, Gouin et Mercier sont loin de figurer dans cette
catégorie avec la marge de victoire de plus de 13% pour Françoise David et de
près de 20% pour Amir Khadir.
Examinons les chiffres de plus près, en utilisant le nombre
total de votes pour chaque parti.
Circonscription
|
PLQ
|
PQ
|
CAQ
|
QS
|
ON
|
Marge
|
La Prairie
|
9330
|
11034
|
11114
|
1196
|
477
|
80
|
Papineau
|
12996
|
12769
|
8218
|
2013
|
574
|
227
|
Jean-Lesage
|
9965
|
9314
|
8894
|
2597
|
1289
|
651
|
Maskinongé
|
11676
|
10888
|
10907
|
1334
|
789
|
769
|
Verdun
|
11877
|
11353
|
6373
|
2449
|
525
|
524
|
Trois-Rivières
|
11248
|
10254
|
7447
|
1609
|
1129
|
994
|
Mégantic
|
9946
|
8847
|
7260
|
1531
|
473
|
1099
|
Groulx
|
8776
|
14948
|
16711
|
1892
|
895
|
1763
|
Soulanges
|
12795
|
11281
|
10234
|
1323
|
495
|
1514
|
Montarville
|
10983
|
14175
|
16083
|
2010
|
877
|
1908
|
Total
|
|
|
|
17954
|
7523
|
9579
|
On voit donc que le PQ a manqué sa majorité par un total de
moins de 10 000 votes! En fait, si on présume que le PQ a la capacité à
convaincre une frange de l’électorat caquiste ou libéral de voter pour ses
candidatures, il aurait suffi d’un transfert de moins de 5000 votes du parti
gagnant vers le PQ (ce qu’on appelle un « swing » dans les élections
britannique) pour faire la différence. Le même résultat était également
accessible si le PQ avait convaincu 10 000 personnes de voter PQ plutôt
que de rester à la maison. Il aurait
aussi gagné en convaincant suffisamment de partisans du parti qui est arrivé
troisième (ou deuxième à quasi égalité avec le PQ dans le cas particulier de
Maskinongé) de voter PQ pour battre le libéral ou le caquiste, selon le cas. Toute
combinaison de ces trois options aurait donné à Mme Marois la majorité qu’elle
convoitait.
Alors pourquoi s’acharner sur QS ou ON? Le total des votes
pour ON n’équivaut même pas aux 10 000 voix nécessaires. Il aurait fallu,
pour obtenir le même résultat, en moyenne, que le PQ arrache plus de 53% des
votes de Québec solidaire. Est-ce qu’on pourrait s’attendre à un tel résultat,
même en cas de désistement? Comme la campagne du vote stratégique a
probablement enlevé à ces partis bien des votes de gens qui ont répondu à
l’appel, on peut considérer les résultats de QS dans ces circonscriptions
chaudement disputées comme une base solide d’appuis qui seraient difficilement
transférables.
Les tâches du PQ d’ici la prochaine élection sont donc très
simples : convaincre une petite partie des millions de personnes qui ont
voté libéral ou caquiste ou qui se sont abstenues de se rallier à son nouveau
gouvernement pour lui permettre d’obtenir une majorité. L’alternative
consistant à tenter de rafler la majorité des votes de QS ou la totalité des
votes de ON dans une série de circonscriptions est une stratégie beaucoup moins
prometteuse.
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